La « Coordination contre l’exclusion et la xénophobie » s’est constituée en novembre 2005, à Genève, pour assurer le lancement de la campagne contre les lois sur l’asile (LAsi) et sur les étrangers (LEtr) qui allaient être adoptées un mois plus tard par les chambres fédérales.
C’est en vain que les milieux de défense des droits humains avaient tenté jusqu’à l’ultime vote parlementaire de décembre 2006 de rallier une majorité de députés contre ces deux lois inacceptables, injustes et arbitraires.
La Coordination avait annoncé qu’elle s’opposerait à ces deux lois par voie référendaire et le lendemain du vote parlementaire, prête à l’action, elle lança la collecte des 50 000 paraphes de citoyens-nes suisses requis. Simultanément à la Coordination genevoise, dès le début de janvier 2006, des comités référendaires se constituèrent dans de nombreux cantons, en particulier en Suisse romande, ainsi que deux comités référendaires pour l’ensemble de la Suisse : l’un, autour de l’OSAR (Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés), ne s’attaquant qu’à la seule LAsi, et l’autre, auquel la coordination genevoise ainsi que les autres comités des cantons romands adhérèrent naturellement, menant unitairement campagne contre les deux lois.
Celles-ci sont en effet inspirées par la même idéologie xénophobe et elles ont été adoptées au parlement fédéral par les mêmes forces politiques, dont bien sûr l’UDC de Blocher !
Malgré un contexte très hostile et une période peu favorable, les auteurs du référendum furent heureusement surpris par la forte mobilisation qui se manifesta dès le début de la collecte des signatures. De nombreux et très variés organismes sociaux, syndicaux, religieux, d’associations de défense des droits humains, de partis politiques et d’innombrables individus adhérèrent très vite au mouvement ainsi constitué. Alors même que seuls les partis de gauche se prononcèrent contre les deux lois au niveau fédéral, Genève connut d’emblée un phénomène unitaire extrêmement intéressant puisque le parti démocrate-chrétien s’engagea également dans l’action référendaire et que de nombreuses personnalités de droite firent de même.
Tout au long de l’hiver 2006, manifestations et stands dans la rue se multiplièrent et la collecte des signatures, à travers toute la Suisse, fut très probante et fructueuse : Début avril, plus de 80 000 paraphes contre la LAsi et contre la LEtr, furent déposées auprès de la Chancellerie fédérale obligeant donc, par là, Berne à demander l’avis du souverain lors d’une votation populaire qui fut fixée à septembre 2006. Tout au long de la période de collecte des signatures puis de la campagne ayant précédé ces votations, la mobilisation dans les cantons romands, tout particulièrement dans le canton de Genève, fut remarquable. De plus, une Coordination romande des comités référendaires permit une campagne offensive et très diversifiée. Nombreuses furent les personnes et les organisations engagées, dans l’unité, pour inviter les citoyennes et les citoyens suisses à refuser deux lois en tous points inacceptables et discriminatoires.
Autre aspect très positif de la campagne, le mouvement d’opposition se constitua autour d’un large spectre d’organisations, avec des alliances allant bien au-delà du clivage classique gauche-droite. Enfin, le référendum et la campagne pré-votations permit pour la première fois en Suisse depuis des décennies de réunir dans un même front les défenseurs des milieux de l’asile et des étrangers.
Le sens de notre combat
On connaît la suite… et le résultat décevant des votations du 24 septembre. La désinformation, les amalgames et les dérapages de la droite extrême abusèrent hélas de nombreux électeurs et la LAsi et la LEtr furent largement acceptées par le peuple suisse. Mais le sens de notre combat perdure et nos critiques fondamentales contre la LAsi et la LEtr n’ont pas changé d’un iota quand bien même elles ont été légitimées par le peuple. Les conséquences négatives du vote ne vont pas se faire sentir dans l’immédiat ; c’est bien le jour où entreront réellement et pleinement en vigueur ces deux lois, en janvier 2008, que les vrais problèmes vont se poser, que les durcissements en matière d’asile et d’immigration se feront sentir, que les dérapages au niveau de l’administration vont sans nul doute se multiplier. Malgré la défaite dans les urnes, la dynamique unitaire ayant précédé les votations ne s’est pas estompée. La motivation et la volonté de poursuivre la lutte pour la défense des droits humains sont restées intactes. Elles sont comparables à celles qui nous ont amenés à lancer les référendums en 2006, car les lois n’ont hélas pas été atténuées par la vertu des votations… bien au contraire !
Quelles furent donc et quelles sont encore les raisons de notre opposition à ces deux lois ?
La LEtr, une loi discriminatoire, arbitraire et contre l’intégration
a) Ressortissants étrangers extra-européens sont une fois pour toutes indésirables : par une politique de contingentement très restrictive, seule une minorité de personnes hautement qualifiées, avec salaires élevés, est dorénavant acceptée, en général pour un séjour de courte durée. Les personnes déjà au bénéfice d’un permis de séjour n’ont plus droit au permis C après 10 ans. La LEtr crée un droit différent selon l’origine des personnes et normalise une ségrégation inacceptable entre Européens et non-Européens.
b) Impossibilité définitive de régulariser les centaines de milliers de personnes sans-papiers vivant et travaillant déjà en Suisse depuis des années, bien que leur travail soit utile et indispensable à notre économie (dans l’hôtellerie-restauration, l’économie domestique, la construction…). On se trouve en pleine hypocrisie ! Autrement dit, la LEtr légalise la clandestinité. Pire : elle la crée !
c) Sévères restrictions apportées au droit lié au regroupement familial lequel est limité en principe aux enfants de 12 ans et moins (18 ans aujourd’hui).
d) Chasse aux mariages soupçonnés d’être « blancs ». Toute personne de nationalité suisse désirant épouser un étranger non-européen doit s’attendre à ce que les autorités compétentes viennent fouiner dans sa vie privée ; voisins et collègues peuvent être interrogés.
La LAsi, une loi inhumaine et répressive
a) Non entrée en matière pour tout requérant ne pouvant présenter de papiers d’identité jugés valables dans les 48 heures. Or, les réfugiés ne sont que rarement en mesure de se procurer de papiers auprès de l’Etat qui les persécute. Quiconque ne peut rendre sa persécution immédiatement crédible est d’emblée menacé d’expulsion. Cet article de la loi va à l’encontre de la Convention sur les réfugiés.
b) Suppression de l’aide sociale, déjà effective pour les requérants frappés de non-entrée en matière, pour toutes personnes déboutées, y compris femmes, enfants, vieillards, malades… une aide d’urgence minimale étant cependant octroyée aux personnes en faisant la demande et pouvant prouver qu’elles sont en difficulté ! Là aussi, la LAsi pousse à la clandestinité… et à l’illégalité !
c) Mise en danger des proches restés au pays. La Suisse pourra transmettre des données concernant des requérants auprès d’Etat pratiquant la torture. Cette mesure met en danger les membres de la famille qui risquent, en représailles, d’être menacés et atteints dans leur intégrité.
d) Autres durcissements prévus : possibilité de perquisitionner à toute heure, sans mandat judiciaire, au domicile des requérants…
De plus, les deux lois prévoient une augmentation de la durée maximale de détention sous mesures de contraintes. La durée de détention est portée à 24 mois pour les adultes et 12 mois pour les mineurs de 15 à 18 ans, ce qui contrevient au droit de l’enfant… Ces mesures s’appliquent aux personnes n’ayant pas quitté la Suisse dans les délais impartis par les autorités. Enfin, les deux lois prévoient également des mesures de répression et des amendes à l’encontre des personnes et des organisations (lesquelles pourront être infiltrées par la police) qui protégeraient « illégalement » des requérants d’asile déboutés ou des travailleurs et travailleuses sans papiers.
Voilà pourquoi, malgré leur acceptation par le peuple, nous continuons à condamner ces deux lois qui relèvent d’une politique officielle qui sème la haine, crée les inégalités, divise les plus faibles, qui oppose les Suisses aux immigrés et réfugiés, qui distingue les « bons des mauvais » étrangers, qui discrimine et stigmatise des catégories d’entre eux. Voilà pourquoi nous poursuivons notre combat contre la xénophobie officielle et le racisme en mettant sous la loupe ces deux lois inhumaines, notamment par la mise sur pied de l’Observatoire du droit d’asile et des étrangers (ODAE).
La Coordination genevoise est composée à ce jour de 49 organisations. Ses instances législatives et exécutives se réunissent régulièrement et de façon alternée dans les locaux du Centre Social Protestant et du SIT – Syndicat Interprofessionnel de travailleuses et travailleurs.
À sa tête, on trouvait originalement une co-présidente et un co-président, respectivement Mme Denise Kesseler (PDC) et M. Yves Brütsch (Centre Social Protestant). Après Mme Lara Cataldi (SIT) et M. Jean-Luc Horisberger (PSGe), ce sont actuellement MM. Aldo Brina (Centre Social Protestant) et Marc Morel (Ligue Suisse des Droits de l’Homme) qui se partagent cette tâche.
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