Campagne sur le renvoi des criminels étrangers – 2XNON !
Argumentaire
Halte à la prise d’otages
Depuis une quinzaine d’année, l’UDC occupe le terrain tant politique que médiatique, en ramenant sans cesse par différents biais (initiatives, référendums, prises de positions, déclarations, etc.) le prétendu problème des étrangers sur le devant de la scène. C’est qu’il s’agit d’un thème porteur ! Les étrangers sont de plus en plus perçus comme étant entièrement différents des Suisses. Ceux-ci ne se sentent donc pas concernés par les mesures sans cesse plus sévères prises contre les étrangers.
Or que ce soit sur le thème de la criminalité ou d’autres sujets en lien avec la présence d’étrangers sur le territoire suisse, l’UDC ne propose jamais de véritables solutions destinées à régler quoique ce soit. De fait, il serait contraire à leur intérêt que ces problèmes, imaginaires ou non, soient résolus. La droite populiste se contente donc de lancer des initiatives vagues, contraires au droit international, et souvent inapplicables, afin d’assurer l’attention incessante des médias et du public sur ces questions. Pour commencer à régler ces problèmes, celui de la criminalité en particulier, il faudrait faire preuve d’un sérieux dont la droite populiste semble bien incapable.
Un contre-projet qui trahit le manque de courage des autres partis
La droite populiste ne cesse de manipuler l’opinion publique en attisant crainte et xénophobie, nous l’avons constaté d’innombrables fois. Mais il est extrêmement préoccupant que les autres partis gouvernementaux se montrent incapables d’agir autrement que de leur emboîter le pas. Le texte du contre-projet voté par le parlement n’est qu’une pâle copie de l’initiative. La manœuvre a pour but d’endiguer le succès électoral de l’UDC, mais il s’agit là d’un très mauvais calcul. Ce contre-projet ne fait que légitimer le discours haineux de l’UDC, dont les idées sortiront renforcées, même si seul le contre-projet devait être accepté par le peuple.
Utilisation malhonnête des statistiques
Les étrangers de Suisse sont en très grande majorité des résidents de longue date, bien intégrés, et qui ne posent aucun problème particulier. S’il est néanmoins indéniable que les étrangers sont sur-représentés dans les statistiques pénitentiaires , il n’est pas inutile de chercher les véritables causes de cette sur-représentation. Premièrement, les statistiques reflètent avant tout le travail de la police, et non la réalité. Ensuite, les étrangers sont les seuls à pouvoir être condamnés pour infraction à la loi sur le séjour, ce qui représente une part non négligeable des condamnations dont ils font l’objet. Enfin, leur sur-représentation dans ces statistiques tient au fait qu’ils cumulent souvent plusieurs variables autrement plus déterminantes dans le cadre de la criminalité que celle de la couleur du passeport : une précarité économique plus importante, un niveau de formation plus bas, et enfin une structure démographique (des hommes, jeunes) qui la rend plus susceptible de commettre des délits. Les initiants le savent, mais préfèrent s’en tenir à une présentation malhonnête – pour ne pas dire mensongère – de chiffres qui, sortis de leur contexte et sans explication approfondie, étayent leurs thèses incendiaires. Que l’UDC se contente de cela, c’est une chose attendue. Mais que le parlement n’ait pas su faire preuve d’un peu plus de recul et d’objectivité, et qu’il décide de répondre à cette lecture biaisée par un contre-projet similaire, c’est une erreur impardonnable.
Refus de s’attaquer aux vraies causes de la criminalité
Les initiants savent également que pour s’attaquer réellement à la problématique de la criminalité, il faudrait s’atteler à ses causes, et non à ses effets. Car d’innombrables études à ce sujet le prouvent : un système extrêmement répressif n’a pas d’effet dissuasif sur les délinquants (les prisons américaines pleines à craquer alors même que les délinquants y sont passibles de la peine de mort en sont la démonstration la plus patente). Or l’UDC, ce même parti qui prétend être le seul à apporter des solutions au prétendu problème de la criminalité, refuse systématiquement toute amélioration de la prise en charge de ces populations ’à risque’, toute mesure destinée à la réinsertion des délinquants, bref, toutes les véritables solutions, en amont et à long terme, à un problème de criminalité. Le contre-projet ne fait guère mieux, puisqu’il reprend la même non-solution que l’initiative, et qu’il ne propose pas non plus de véritable issue à long terme.
Non aux renvois automatiques et indifférenciés
Les deux textes proposés préconisent des renvois automatiques, sans prise en compte des circonstances particulières des cas. Alors que le contre-projet nuance ce principe de quelques bémols (voir ci-dessous), l’initiative prône l’automaticité absolue. Un adolescent né en Suisse, titulaire d’un permis C, sera expulsé pour un simple vol, au même titre qu’un cambrioleur professionnel présent en Suisse depuis à peine une année ! En fixant l’expulsion après une infraction passible d’une peine privative de liberté d’un an au moins, le contre-projet va même plus loin que l’initiative sur ce point : il se réfère en fait à la « peine-menace » en relation avec l’infraction commise, et non à la condamnation effective. En vertu de ce principe, une personne pourra donc théoriquement être privée de son permis C ou B et expulsée de Suisse pour un simple dommage à la propriété, pour un simple vol, pour calomnie, soustraction d’énergie ou entrave à la circulation publique ! Expulser un étranger qui vit depuis des années en Suisse, c’est l’arracher à ses proches et donc le faire mourir socialement. Une telle peine est-elle raisonnable pour le type de délits précités ?
Le non-respect du droit international et constitutionnel
Alors que l’initiative bafoue sans scrupules le droit international et les dispositions prévues par la Constitution helvétique, le contre-projet contient, lui, une clause de respect de ces éléments. L’initiative viole en effet clairement les principes de proportionnalité, d’individualisation de la peine, ou encore le droit à la vie privée et familiale. Le contre-projet quant à lui n’offre pas de garanties suffisantes à l’application de ces principes. Il ne fait que mentionner le respect des normes constitutionnelles et internationales, sans pour autant les détailler, ou en préciser les critères d’application. Ces imprécisions ne sont pas à même de garantir le respect de ces normes. Pour preuve, alors même qu’elles étaient déjà en vigueur, la Suisse a été condamnée en 2008 par la Cour européenne des Droits de l’Homme pour avoir expulsé un jeune Turc, qui vivait en Suisse depuis son jeune âge, en raison des condamnations pénales dont il avait fait l’objet (affaire Emre contre Suisse). Inutile de dire que durcir la pratique après une condamnation de Strasbourg est une pure aberration.
Lier intégration et criminalité ?
Contrairement à l’initiative, le contre-projet comporte des articles sur l’intégration. Il ne s’agit en réalité que d’un piètre cache-misère. A priori inoffensifs, ces articles cautionnent de fait le lien entre intégration et délinquance mis en avant par les discours populistes. Les personnes non intégrées sont-elles des délinquants en puissance ? Les Suisses ne commettent-ils quant à eux aucun délit ? Ces articles constituent la preuve de l’existence d’un soupçon généralisé de notre société selon lequel les étrangers n’auraient aucune volonté de s’intégrer. C’est faux ! Enfin, l’intégration est à nouveau perçue comme un processus unilatéral, comme si l’étranger seul devait fournir tous les efforts pour s’intégrer, tandis que les institutions et la population suisses n’auraient quant à elles que des exigences.
L’exécution de tous ces renvois est un mensonge !
Aujourd’hui, c’est bien connu, un très faible pourcentage seulement des personnes dont on a prononcé le renvoi sont effectivement expulsées. Celles qui le sont s’exposent à des méthodes de renvoi inhumaines, qui ont déjà tué à trois reprises. Ces deux textes ne prévoyant ni l’un ni l’autre des changements qui rendent ces renvois soudainement exécutables, il n’en sera pas moins difficile d’appliquer les expulsions qu’ils engendreraient s’ils devaient être votés. Ainsi, contrairement à ce que sous-entend l’UDC, il est mensonger de prétendre que l’adoption de ces textes apporterait une solution concrète et inédite à la prétendue criminalité étrangère,
Nous serons tous, tôt ou tard, des moutons noirs
Enfin, il est vital que la population suisse cesse de se voiler la face, et de penser que les attaques permanentes contre les droits des étrangers ne les concernent pas. Car si ces attaques ne nous sont pas directement adressées aujourd’hui, elles finissent souvent par se répercuter sur nous toutes et tous. Les étrangers servent de laboratoire, de terrain d’expérimentation des politiques d’exclusion. Souvenons-nous de la campagne menée contre les prétendus ’abus’ de la part des migrants : d’abord appliquée à eux, elle s’est insidieusement étendue à toutes les personnes, et en particulier aux plus précaires (ceux qui bénéficient du chômage, d’une rente AI, etc.). Les attaques de la droite populiste, reprises en grande partie dans le contre-projet, ne s’arrêteront pas aux étrangers. Le démantèlement de leurs droits nous concerne, car il nous vise, finalement, toutes et tous.
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