La Tribune de Genève | Opinion d’Aldo Brina

Nous reproduisons ci-dessous la version longue de « l’opinion » de Aldo Brina, publiée par La Tribune de Genève le 28 mai 2013.

 

Stopper les blablas et sauver des vies

La loi sur l’asile en vigueur actuellement est celle que Christoph Blocher, alors Conseiller fédéral, avait mise en place avec l’appui des partis bourgeois. Que ces mêmes personnes viennent maintenant expliquer à ceux qui avaient combattu la loi en 2006 que celle-ci ne marche pas bien relève du comique. Pour nous la suppression de l’aide sociale allait favoriser la clandestinité et la criminalité. En 2013 l’Office fédéral des statistiques souligne que l’augmentation du nombre de prévenus demandeurs d’asile est principalement liée à des dénonciations de vols à l’étalage – une criminalité de survie, provoquée par la précarisation programmée d’une population.

Christoph Blocher avait aussi demandé aux cantons de calibrer les structures d’hébergement des demandeurs d’asile sur une hypothèse de 10’000 demandes par année. Suite à différentes crises et au Printemps arabe, le nombre de nouvelles demandes est remonté, les cantons ont été dépassés, et les « serial réviseurs » du Parlement fédéral se sont mis à parler de mesures d’urgence, comme si notre pays était en guerre.

Les demandeurs d’asile ne représentant pas plus de 0,6% de la population. La nécessité de réviser la loi est largement exagérée, mais on commence à comprendre que des politiciens sans réponse sur la crise, le logement ou le taux de dépressions ont tout à gagner à ramener le débat encore et encore sur l’asile.

Quand à l’accélération des procédures, ce n’est qu’une promesse de campagne destinée d’une part à convaincre les plus naïfs, de l’autre à permettre à la Conseillère fédérale Sommaruga, socialiste de défendre des durcissements du droit d’asile sans perdre la face par rapport à sa propre famille politique. Ne vous faites pas avoir : les tests prévus ne concerneront que les requêtes d’asile où la réponse à donner est évidente, autrement dit les dossiers qui sont déjà traités rapidement aujourd’hui !

Côté discours sécuritaire, c’est la confusion totale. La campagne référendaire aura eu le mérite de montrer que personne ne peut expliquer ni qui sont les fameux « récalcitrants », ni ce que sont les centres « spécifiques » où ils seront envoyés. S’il ne vous choque pas que l’on puisse restreindre la liberté de personnes qui n’ont pas commis de délit, retenez au moins ceci : alors que les responsables cantonaux, Pierre Maudet en tête, ont montré leurs muscles et annoncé l’ouverture de ces centres, Mme Sommaruga a déclaré publiquement « ça sera très difficile de trouver une place [pour ouvrir un tel centre], il faut être honnête » (émission Infrarouge du 22 mai). Autrement dit : cette disposition honteuse ne produira probablement aucun effet.

Résultat des courses, vous ne gagnerez rien à accepter les mesures urgentes le 9 juin : ni argent, ni sécurité, ni répit à entendre les politiciens parler de l’asile puisqu’une douzième révision de la loi est déjà en chantier ! Mais si pour vous ces mesures urgentes ne changent rien, leur rejet peut en revanche sauver la vie d’une petite centaine de personnes par année qui pourraient fuir des persécutions via une ambassade suisse (v. aussi l’émission de la RTS avec des témoignages de réfugiés qui ont demandé l’asile via les ambassades), ou faire en sorte que les soldats qui risquent leur vie parce qu’ils ont refusé de tirer sur leur peuple continuent d’obtenir le statut de réfugiés. Pensez à eux au moment de voter, en vous demandant si à leur place, vous n’auriez pas aussi cherché asile.

Suite à cette opinion, M. Dind a reçu un courrier anonyme, auquel il a répondu par Lettre ouverte dans la Tribune de Genève. En voici le contenu:

L’asile rend « Bougiblu » haineux

« Bougiblu », tel est le nom dont s’est affublé la courageuse ( !) personne qui m’a adressé un courrier anonyme (à la machine à écrire, comme dans les polars !) suite à ma « lettre ouverte » parue le 22 mai dans ce journal sous le titre « Un Conseil d’Etat « maudetcolore » sur l’asile ? ». Lettre dans laquelle je m’interrogeais sur la très contestable campagne que M. Maudet mène en faveur des « mesures urgentes sur l’asile »  au nom du Conseil d’Etat alors même que ce dernier n’a pas pris position en la matière. Son président, M. Beer, a même un avis contraire à son collègue et votera NON le 9 juin (cf. le Courrier du 25 mai). Parce que je combats les durcissements de la loi sur l’asile, je suis défini par « Bougiblu » (dont le sexe est également anonyme !) comme un défenseur des « malfrats » ! « Enfin, dit-il/elle à mon encontre, ceux qui sont pour la déstabilisation du pays sortent de l’ombre» !  « Bourgiblu », votre haine vous aveugle ! Votre peur de l’altérité vous fait perdre le sens des mesures et vous amène à sortir toute la panoplie des clichés xénophobes : Ceux qui ne pensent pas comme vous sont des « déstabilisateurs » et les requérants d’asile des « malfrats ». Vous semblez admirer Maudet (qui veut rétablir l’ordre… raison pour laquelle j’aurais peur de lui, selon vous !), vous tenez des propos martiaux, c’est votre droit, mais vous n’avez même pas le courage de me contredire à visage découvert ! Dans un pays où la liberté d’expression existe (encore !) cette pratique de message anonyme est détestable ! Vos propos sont contestables… mais ils ont le mérite d’être dits. Malheureusement, je ne puis en débattre avec vous, « Bougiblu » puisque vous ne jouez pas franc-jeu !

Daniel Dind

 

 

 

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