On voudrait nous faire croire que des hordes de requérants d’asile envahissent la Suisse. Rien n’est plus faux. Au total, le nombre de personnes qui se trouvent en procédure d’asile ne représente que 0.5% de la population.
Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 30 avril 2013 dans le quotidien 24 Heures. Cliquez ici pour voir l’article.
L’an dernier, 28’631 demandes d’asile ont été déposées dans notre pays. Bien sûr, c’est davantage que l’année précédente, mais c’est 20’000 de moins qu’au moment de la guerre au Kosovo.
Les fluctuations dans le domaine de l’asile sont normales, elles sont liées à l’évolution des conflits à travers le monde. Cyniquement, on pourrait se réjouir que la Suisse ne soit pas voisine de la Syrie et n’ait pas à accueillir des centaines de milliers de réfugiés, ce qui est le cas de la Jordanie, du Liban et de la Turquie. Comme toujours, les pays situés dans des régions en conflit accueillent la très grande majorité des réfugiés.
Depuis quelques décennies, la classe politique suisse a fait du thème de l’asile son défouloir. Pratiquement aucune loi n’a subi autant de révisions, qui vont toutes dans le sens du durcissement. La révision sur laquelle le peuple suisse sera appelé à voter le 9 juin prochain en est le parfait exemple : les partis du centre et de droite ont rivalisé de propositions toutes plus absurdes et inefficaces les unes que les autres.
Supprimer le statut de réfugié pour les déserteurs? Même s’ils n’obtiennent pas ce statut, les Erythréens ne pourront pas être renvoyés dans leur pays où ils sont menacés de mort. Ils resteront donc en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire, un statut précaire qui ne leur permettra pas de s’intégrer. Supprimer les demandes d’asile dans les ambassades? Le premier triage des demandes qui y était effectué devra se faire en Suisse, car cela ne dissuadera pas les personnes de fuir leur pays.
Bref, la révision n’aura pas l’effet escompté : rendre la Suisse peu attrayante. Même les parlementaires qui ont voté en faveur de ces modifications de la Loi sur l’asile l’admettent. Alors pourquoi continuer à «jouer» ainsi avec l’asile et avec la vie de personnes persécutées? Il est temps d’élaborer et de mettre en œuvre une politique d’asile humaine et équitable. Mais pour y arriver, il faut que les partis cessent d’utiliser ce thème comme un tremplin électoral et de faire croire au peuple suisse qu’ils ont trouvé des solutions miracle à un problème mondial.
Il faut donc voter non le 9 juin prochain. Mais il faut encore bien davantage que cela : sensibiliser la population suisse au fait que ces durcissements répétés, qui compliquent toujours plus l’intégration des réfugiés, nous conduisent dans une impasse. La Suisse n’a rien à gagner à un traitement inhumain de ses requérants. La Loi sur l’asile n’est pas un instrument pour réguler la politique migratoire, mais doit servir la protection des réfugiés. Sinon, elle perd tout son sens.
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